Quoi qu’en disent, malheureusement encore, les climatosceptiques, le changement climatique est aujourd’hui un fait scientifique avéré, appuyé par de nombreuses études et notamment par le dernier rapport du GIEC.
Le constat est sans appel : les émissions de gaz à effet de serre depuis la période industrielle ont déjà profondément modifié le cycle du carbone de notre planète, avec de nombreuses conséquences sur le climat, les équilibres naturels et sur la biodiversité.
Éviter les scénarios catastrophes en essayant d’atteindre l’objectif de l’accord historique de Paris en 2015: contenir à horizon 2100 le réchauffement en deçà de 2 degrés, tout en s’efforçant de limiter cette augmentation à 1,5 degrés, passera par notre capacité à diminuer, drastiquement et dans un délai très court, nos émissions de GES.
Pour atteindre cet objectif, un changement des modes de vie sera nécessaire, accompagné d’investissements considérables.
Atteindre les objectifs des accords de Paris nécessiterait, selon une étude de l’initiative New Climate Economy[1] publiée en 2015, 90 000 milliards de dollars d’ici 2030, soit 6 000 milliards par an. Nombre de ces solutions technologiques existent, il faut maintenant les soutenir financièrement afin de les déployer à l’échelle nécessaire.
Rien qu’en France, dans les secteurs considérés comme clés, les besoins de financements se situeraient entre 10 et 30 milliards d’euros par an entre 2016 et 2020 (et étant donné le retard déjà pris en 2016 et 2018, on parle en réalité de 55 à 85 milliards par an entre 2019 et 2023), en plus des 40 milliards existants[2]. Les principaux besoins se situent dans la rénovation et l’efficacité énergétique des bâtiments, les véhicules bas carbone et les réseaux de chaleur. En parallèle, les investissements défavorables au climat représentent toujours quant à eux plus de 70 milliards par an et concernent en très grande partie l’acquisition de véhicules thermiques par les particuliers et les entreprises. Ce qui nous montre que le sujet n’est pas tant le fait de générer de nouveau financements pour les solutions bas carbone, mais plutôt de réorienter les investissements existants vers ces mêmes solutions. Et pour soutenir ce mouvement, de nombreuses solutions, stratégies et supports d’investissements existent déjà.
De plus en plus de fonds d’investissement se définissent aujourd’hui, simplement via leur nom (« ALM Actions Europe ISR », « Avenir Partage ISR »,..) ou grâce aux labels obtenus (label ISR ou GREENFIN), comme « Socialement Responsable ». On parle alors d’«ISR » (Investissement Socialement Responsable), qui est un placement qui vise à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises qui contribuent au développement durable dans tous les secteurs d’activité.
L’impact social et environnemental va lui, la plupart du temps, être mesuré par une analyse dite « ESG » :
E
pour « Environnementale » : mesure de l’impact direct ou indirect de l’entreprise sur l’environnement (incluant émission de GES, biodiversité, pollution des sols, gestion des déchets,..) et de sa politique en la matière ;
S
pour « Sociale » : évaluation du comportement de l’entreprise sur la gestion de son personnel, le respects du droit du travail, l’impact de l’activité sur le tissu social local, l’égalité homme-femme… ;
G
pour « Gouvernance » : screening de la manière dont l’entreprise est dirigée, à savoir le pouvoir des actionnaires, la transparence sur la rémunération des dirigeants, la lutte contre la corruption…
Le marché des fonds qui se définissent comme « ISR » (sans pour autant avoir obtenu le label officiel, mais qui portent à minima attention à certains critères ESG) s’est énormément développé ces dernières années. Au niveau mondial, selon le dernier rapport du Global Sustainable Investment Alliance [3], les investissements intégrant des critères ESG atteignaient 30 700 milliards d‘euros en 2018, soit une progression de 34% par rapport à 2016. Cela correspond en Europe à 49% des encours sous gestion (contre 26% aux USA).
Pour autant, la réorientation des flux financiers vers une économie bas carbone ne se profilant pas pour le moment, on peut s’interroger sur l’intérêt d’effectuer des analyses ESG, si celles-ci ne modifient pas pour autant les choix d’investissement des acteurs.
Associées à l’analyse ESG des entreprises dans lesquelles ils investissent, plusieurs approches peuvent être adoptées par les gérants de fonds se targuant d’investir de manière « responsable » (sachant que ces approches ne sont pas exclusives l’une de l’autre, on pourra par exemple combiner une approche thématique avec une approche « Best-in-class ») :
• Approche par exclusion : ici le gérant va exclure de ses portefeuilles toute structure faisant partie de certains domaines d’activités (armes, tabac, alcool, énergies fossiles…)
• Approche thématique : les titres sélectionnés vont ici appartenir à plusieurs structures évoluant dans un thème bien défini, comme par exemple la gestion de l’eau, les transports, ou la production d’électricité. Cette approche seule n’est pas en soi durable (le thème pourrait être par exemple les énergies fossiles), mais peut le devenir en étant associée à des approches Best-in-class ou Best-in-universe
• Approche Best-in-class : au sein d’un secteur d’activité bien défini (transport, efficacité énergétique,..), le gérant va sélectionner les structures ayant les meilleurs évaluations ESG. Cette approche permet de fait, en prime, l’exclusion des secteurs non concernés par le thème.
• Approche Best-in-universe : le gérant va ici chercher les entreprises ayant les meilleurs scores ESG, indépendamment du secteur d’activité dans lesquelles elles évoluent.
• Approche engagement actionnarial : ici le gérant va investir dans des structures, indépendamment de leur secteur et de leur notation ESG, dans le but de pouvoir, grâce aux droits de votes obtenus, faire évoluer la stratégie de l’entreprise vers un meilleur résultat ESG.
Au delà de l’approche extra-financière des sociétés de gestion, de nombreux autres produits se déploient aujourd’hui sur le marché : Greenbonds, Green, Social, Sustainable Loans, Obligations à impact environnemental, instruments financiers novateurs, dérivés climatiques…
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Sources :
[1] Rapport annuel 2016 : New Climate Economy Report
[2] Panorama des financements climat 2018 — I4CE
[3] Global Sustainable Investment Review 2018 — GSIA