« Le futur de l’investissement sera durable » affirme sans réserve Blackrock, constatant la convergence des exigences propres aux investisseurs et des pressions règlementaires, alignées sur un éveil de conscience collectif. Dans un contexte de Brexit imminent où la Place de Paris tend à s’ériger comme phare financier européen, l’intégration de critères extra-financiers est un impératif que cette dernière ne saurait se permettre de négliger. Cela, la France l’a bien compris, en adoptant notamment une série de normes plus ou moins contraignantes, orientant le comportement d’acteurs toujours plus engagés, souvent au-delà même de toute exigence juridique. Le constat est simple : la Finance comme le Droit ne peuvent plus aujourd’hui se désintéresser de l’environnement naturel et social dans lequel ils évoluent. Il est donc primordial que la France maintienne et développe ce rôle de premier plan joué depuis quelques années en matière de finance durable.
Mais qu’est-ce que cette « finance durable » ?
La finance durable n’est autre que l’intégration des enjeux portés par le développement durable aux activités financières, soit concrètement, une prise en compte long-termiste de considérations extra-financières (sociales, environnementales…) au-delà de la seule recherche de performance financière immédiate. Sans surprise, il s’agit d’un levier majeur permettant de transformer l’économie, de la corriger, afin d’en assurer la durabilité.
Il est ici intéressant de relever que s’est spontanément développée une certaine prise de conscience collective de l’urgence socio-écologique dans la mesure où si les règles de droit tendent à imposer aux différents acteurs financiers de prendre en compte l’impact de leurs activités sur les sphères environnementales ou sociales par exemple, une part significative de ces dernier témoigne d’une volonté autonome d’intégrer dans le processus-même de leur prise de décision ces considérations non financières. On pourra penser par exemple aux banques qui, en réaction à la crise passée ayant eu, au-delà de conséquences financières, un impact réputationnel fort, souhaitent aujourd’hui regagner la confiance des marchés, au moyen notamment de leur engagement extra-financier. On remarquera également une volonté des investisseurs-mêmes de prendre en compte ces critères.
Schématiquement, la finance durable repose sur quatre piliers à savoir :
Il est cependant nécessaire de souligner que ce phénomène n’est nullement propre au secteur bancaire et financier, l’illustration la plus parlante demeurant aujourd’hui la consécration à venir de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) qui concerne, comme son nom l’indique, toute entreprise.
Qu’est-ce que la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise ?
Si dès le début des années 1950 naissent de réelles préoccupations tant socio-économiques qu’environnementales[1], ce n’est qu’à partir des années 1990 qu’un travail législatif concret commence, posant alors les fondations de la RSE telle que nous la connaissons aujourd’hui. Tendant à s’imposer dans certains Etats du monde, comme outil incontournable de performance financière sans cadre juridique particulier (Etats-Unis ou Inde notamment), il semblerait que soit nécessaire en France une certaine institutionnalisation de la RSE, en addition aux exigences portées par les acteurs financiers et investisseurs.
Pour comprendre ce qu’est la RSE, il est nécessaire de mentionner tout d’abord les critères dits ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), qui seront mis en œuvre dans le cadre de toute démarche RSE. En effet, la RSE est, au sens de la Commission Européenne : « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes »[2]. Pour qu’une entreprise puisse être considérée comme socialement responsable, il ne suffit donc pas qu’elle respecte les dispositions juridiques qui s’appliquent à elle : il faut qu’elle s’engage à notamment « investir davantage dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes ».
Plus simplement, il s’agit de la « responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société »[3].
De nombreuses définitions pourraient être retenues, cependant, le cœur de ce concept demeure la responsabilisation volontaire des entreprises relativement à l’impact de leur activité commerciale sur l’environnement et la société civile. Les entreprises vont donc choisir d’intégrer les critères ESG en se dirigeant d’une part vers des activités à impact positif tout en tentant de limiter les externalités négatives.
Relevant pour l’instant de la soft law, ne pas mettre en œuvre un processus RSE ne peut en principe pas engager la responsabilité de la direction. Cependant, il conviendrait de se mettre à jour dans les plus brefs délais afin de s’assurer que l’entrée en vigueur prochaine de la loi Pacte notamment ne surprenne personne quant à l’impératif qu’elle véhicule et entend imposer à toute entreprise régie par le droit des sociétés français.
Le Droit intervient afin d’orienter ou inciter les acteurs à un plus grand engagement, au-delà des initiatives volontaires (ISO 26000, Global impact…).
Le reporting extra-financier, principal outil de la mise en œuvre de la RSE
C’est au moyen de la « déclaration de performance extra-financière des entreprises » que ces dernières vont communiquer des informations sociales, environnementales, sociétales et de gouvernance dans un objectif de transparence maximale. Il s’agit en effet de permettre à l’ensemble des parties prenantes et potentiels futurs investisseurs (voire à la population en général) d’accéder à un certain volume d’informations sur les activités, engagements, organisation et fonctionnement desdites sociétés. Une prise de conscience relative à l’impact extra-financier de l’activité des entreprises a permis que se développent à toutes échelles des réflexions ayant abouti à l’adoption de textes plus ou moins contraignants.
Parce que l’information est un des principaux leviers de la régulation sinon de l’auto-régulation du marché, en ce que, produite en quantité suffisante, elle permet que ne soit que subsidiaire l’intervention de régulateurs, il est parfaitement logique que la mise en place de politiques de responsabilisation des entreprises passe par la communication par elles-mêmes d’informations au marché.
Cependant, si est travaillée la qualité de l’information à transmettre, beaucoup d’acteurs déplorent le détournement « marketing » de ces impératifs. En effet, pendant longtemps n’existaient concrètement que les seules obligations de dire, de communiquer, sous réserve d’application du principe du comply or explain, et non une obligation de faire. Que soient consacrées des obligations de moyens ou de résultats importe peu, il s’agit en effet simplement d’orienter les acteurs vers certains comportements et non d’instrumentaliser la communication sur de potentiels engagements non contrôlés aux fins de publicité concurrentielle.
La récente entrée en vigueur de la Loi Pacte en ce sens permet de réaliser un premier pas en imposant notamment une prise en considération d’éléments extra-financiers dans le process de décision des entreprises. Mais si un long chemin fut parcouru depuis maintenant une vingtaine d’années, d’autres étapes devront être franchies pour que la France soit ce à quoi elle aspire, soit la capitale mondiale de la finance verte et durable.
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Remerciements : Merci à l’équipe Regulatory, et en particulier à Cécile Dumanoir pour la qualité de ses travaux.
Sources:
[1] En 1953 déjà parait La responsabilité sociale du businessman d’Howard Bowen, ouvrage dans lequel l’auteur démontre l’intérêt pour les entreprises d’être plus responsables
[2] Livre Vert de la Responsabilité Sociale des Entreprises par la Commission Européenne — 2001
[3] Commission Européenne, 3ème communication sur la Responsabilité Sociale des Entreprises — 2011