Le milieu naturel regorge d’écosystèmes qui peuvent être inspirants.
Le milieu marin, les forêts, les montagnes, un récif corallien… Tous les espaces naturels sont potentiellement des réponses à nos problématiques d’innovations, et la démarche biomimétique est par nature interdisciplinaire.
Le point de départ est donné par la recherche fondamentale qui observe, analyse et modélise le vivant. Les modèles biologiques les plus intéressants sont ensuite saisis par les sciences de l’ingénieur qui les traduisent en concepts techniques. Les entrepreneurs enfin, s’en emparent et passent au développement industriel.
Quelques exemples pour illustrer la valeur de notre biodiversité:
LE BLOB
Il inspire des algorithmes, pourrait aider à dépolluer et à traiter le cancer, a une taille hallucinante et des chercheurs viennent de découvrir qu’il pouvait aussi apprendre et transmettre ses connaissances. Le tout, sans cerveau ni système nerveux. Présentation de l’incroyable blob.
« Blob », c’est le nom de scène du Physarum polycephalum. Une forme de vie peu commune, qui n’est ni une plante, ni un champignon, ni un animal. Il s’agit d’un organisme unicellulaire, qui contient des milliers de noyaux et peut allègrement dépasser le mètre carré. Pour une seule cellule, c’est carrément incroyable ! Il est même doué de fonctions motrices puisqu’il peut parcourir jusqu’à 5 cm par heure. En fait, vous l’avez peut-être déjà croisé. Il vit dans les sous-bois et se confond parfois avec un champignon bien qu’il fuie la lumière et se cache sous les écorces et dans d’autres recoins sombres.
Pour apporter les nutriments et coordonner une cellule capable de s’étendre sur plusieurs mètres carrés, un vaste réseau de veines optimisé à la perfection s’est mis en place au sein du blob.
À tel point que des chercheurs japonais s’en sont inspirés pour repenser le complexe réseau ferroviaire autour de Tokyo ! Simulant la mégapole et 36 villes avoisinantes, un blob a été placé en contact de 37 points de nourriture. Le réseau d’acheminement établi par l’organisme s’est révélé parfaitement économe en énergie et capable de résister à d’éventuelles ruptures de ligne. Transformé en algorithme par les chercheurs, la méthode du blob a montré qu’elle pouvait optimiser le réseau du métro tokyoïte ou la circulation routière américaine.
Le Tardigrade :
Le tardigrade, aussi appelé « ourson d’eau », est une mini-bestiole aux super-pouvoirs ! Derrière ce nom mignon se cache des organismes dotés d’exceptionnelles capacités de survie.
Ils peuvent vivre des dizaines, voire des centaines d’années. On les trouve du haut de l’Himalaya jusqu’au fond des océans. Les tardigrades n’attraperaient pas un rhume après un séjour dans le vide spatial, ni même un coup de soleil dans le désert : ils résistent à des températures pouvant varier de — 270°C à 150°C. L’absence de pression atmosphérique ne les chagrinent pas plus qu’être exposés aux radiations ou à des produits toxiques. Le secret de la résistance de ces êtres minuscules se trouve être leur adaptabilité.
Il va sans dire que les scientifiques étudient les capacités des tardigrades pour percer les secrets de ces protéines qui les rendent si dur à cuire, et à geler, pour en tirer notamment des applications médicales comme la suppression de la chaine du froid pour les vaccins, ou la lutte contre le cancer.
Le Ver Arénicole :
Et si le donneur de sang universel tant recherché par les médecins et chercheurs était en fait un ver marin résidant sur les plages de Bretagne ? Hemarina, entreprise bretonne fondée par Franck Zal, ex-chercheur en biologie marine au CNRS, produit une protéine issue du sang de ce ver : une hémoglobine dont les propriétés pourraient révolutionner la médecine. 40 fois plus oxygénante que la nôtre, cette hémoglobine est en effet compatible avec notre organisme.
En l’ajoutant aux solutions de conservation d’organes à greffer, Hemarina a déjà montré pouvoir allonger leur durée de conservation de quelques heures à plusieurs jours, et pouvoir diviser par trois le délai de reprise de fonction de l’organe après la greffe !
La Crevette Mante :
Un petit crustacé doté de super pouvoirs ! Ne vous fiez pas à sa taille (20 cm de long maximum), ni à ses couleurs chatoyantes. La crevette-mante est une tueuse et une force de la nature. Aussi appelé « squille », ce crustacé se rencontre surtout au large de l’Australie, du Japon et de l’Afrique de l’Est. Ses pattes semblables à celles des mantes religieuses, possèdent la même puissance de frappe qu’une balle tirée par un calibre 22 ; soit une vitesse de 1/3.000e de seconde, avec une force de 1.500 Newtons.
Les attributs remarquables de la crevette-mante inspirent l’armée et la médecine. Les Russes ont adapté le principe de super cavitation à certaines torpilles, créant ainsi un nouveau modèle, la Chkval. Celles-ci peuvent atteindre une vitesse de 370 km/h (contre 190 km/h maximum pour une torpille traditionnelle).
Outre-Atlantique, les connaissances sur les yeux des squilles ont servis à concevoir une caméra capable de détecter les cellules cancéreuses dans les biopsies. Les chercheurs ont aussi détecté dans ces yeux une molécule qui pourrait être la meilleure crème solaire jamais découverte.
Le lézard Gecko :
Le « gecko » est un terme général pour désigner des reptiles de la famille des « Gekkonidae ». Certaines espèces de gecko (beaucoup, mais pas toutes) ont une particularité étonnante : ils peuvent se déplacer sur un plan vertical en toutes les directions ; Aristote observait déjà au 4ème siècle avant Jésus-Christ la capacité des geckos à se déplacer le long d’un tronc d’arbre dans toutes les directions, même la tête en bas.
La force adhésive qui leur permet de marcher sur les murs et les plafonds est tellement forte, qu’un gecko adulte pesant 100 grammes peut tenir au mur avec un seul doigt sans déraper ! En réalité, ils utilisent une loi physique qui s’appelle les forces de van der Waals, qui sont des sortes d’interactions micromagnétiques, et non d’aimants.
Ces forces de van der Waals permettent de coller sur à peu près n’importe quelle surface dans l’espace. Le gecko, lui, n’a pas évolué dans l’espace, mais il peut nous inspirer pour fabriquer des robots capables de coller, par exemple, à la surface de la Station spatiale internationale. En effet, dans l’espace, impossible d’utiliser des ventouses puisque c’est le vide. Impossible d’utiliser de la colle liquide puisqu’il fait beaucoup trop froid. Et on ne peut pas utiliser d’aimants non plus puisque la Station spatiale est largement amagnétique.
Les algues & les champignons :
Les algues et champignons sont des éléments naturels de notre environnement, ils comptent même parmi les formes de vie les plus anciennes qui soient. Les algues tirent leur énergie de la photosynthèse avec la lumière et le CO₂ contenus dans l’air. Les champignons nécessitent aussi une source de nourriture, qu’ils trouvent sans problème sur des revêtements organiques.
Il existe plus de 16 000 espèces d’algues et pas moins de 100 000 variétés de champignons différentes, ce qui offre aussi d’importantes opportunités dans la recherche scientifique, le médical et le pharmaceutique.
Grâce au biomimétisme, chercheurs et ingénieurs espèrent donc réussir à améliorer une foule de matériaux et de technologies. Mais la méthode pourrait aussi mener à des réalisations beaucoup moins nobles. Ainsi les ailes des avions de chasse sont de plus en plus souvent inspirées de celles d’animaux volants. Les drones, qui peuvent servir à des missions de combat ou de terrorisme, tirent quant à eux leur nom du bourdon.